Lilith ouvrit alors la porte. Une
épaisse volute emplissait l’atmosphère, d'une noirceur de jais, dense. Elle posa
un premier pas, son pied foulant les poils hérissés du sol de sa chambre.
« Il faut dormir ma chérie.
Les songes seront là pour te bercer. »
Il le fallait, oui. La torpeur
guettait depuis plusieurs heures déjà et elle finit par céder à son appel. Sa
démarche, peu assurée, la guida au centre de la pièce. Son regard, fatigué par
le sommeil, embrumé par les ténèbres, balaya la distance. Un lit se tenait là.
Un sommier de bois sombre sur lequel trônait une couche d’un blanc irréel. Elle
s’installa, la douceur des draps ne faisant qu’accentuer l’urgence de sa
somnolence naissante.
Lilith attendit. Patienta. Se
languit.
Un grincement se fit alors entendre,
long, strident, acéré. Puis le silence, et la peur. Quelle étrange sensation
que la peur... Ce démon de curiosité, ayant le pouvoir d’engendrer les plus
noires illusions et, pourtant, éveiller un désir d’explications, une soif de
réponses. Oui, Lilith avait peur. Bordée de ses draps blancs, la pression du
silence l’assourdissait. Elle ne put résister à son appel : elle ouvrit les
yeux.
Au centre de la chambre, cette
même pièce qu’elle avait traversée quelques minutes auparavant, s’érigeait une horreur, une monstruosité la
perçant au fondement de sa conscience. Une porte de bois sombre se dressait,
gigantesque, les battants parés d’anneaux de fer noir, ornementés de symboles
que ses yeux tourmentés ne pouvaient concevoir.
Elle était là, obscure, immobile,
grandiose. Le silence s’installa, un calme malsain embuant les yeux de la
petite fille. Un choc vint soudain briser sa léthargie, mettant en branle la
structure de fer et de bois. Quelques puissances se ruaient contre les
battants, forçant leur entrée dans la chambre de l’enfant, la faisant tressaillir
d’horreur. Un deuxième coup, un troisième, puis un suivant firent céder la
porte. L’ouverture ne découvrait que fumées de charbon, circonvolutions d’encre
et émanations de soufre.
Dans un
sursaut d’effroi, Lilith vit alors son lit avancer, harponné par une force
invisible et inexorable. Elle était attirée, happée dans un monde de terreur et
de folie.
La porte l’engloutit alors. Elle
n’entendit pas son hurlement de détresse tandis que les battants se refermaient
brutalement derrière elle.
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